pour trouver les livres de Paul Bowles
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 

 
Paul Bowles est souvent considéré comme l'homme d'un seul livre. Un thé au Sahara, après avoir connu un succès immense à la fin des années 40, lui a valu successivement l'hommage des auteurs de la Beat Generation (dont il ne fait pas partie, mais dont il peut être considéré comme l'un des inspirateurs), puis de stars de la musique rock (les Rolling Stones dans les années 60, Sting dans les années 80), et enfin du cinéma avec une adaptation - discutable - de Bernardo Bertolucci en 1990.
 
Tout cela a fait de lui une espèce de légende vivante, une icône que certains milieux littéraires visitaient dans sa retraite de Tanger comme on fait pèlerinage, mais n'a pas contribué à faire reconnaître à sa juste valeur le reste de son oeuvre.
 
Né à Long Island en 1910, Paul Bowles a une enfance solitaire dans la seule compagnie des adultes - il se réfugie rapidement dans la musique et la littérature, écrivant et composant dès l'âge de dix ans. Après un bref passage à l'université de Virginie où il découvre en vrac l'alcool, l'éther et les expériences bi-sexuelles (rien de tout cela ne semblant vraiment le convaincre), il part à Paris, entamant ainsi une sorte de Wanderlust, de fièvre du voyage et de l'errance, qui sera l'une des grandes passions de sa vie.
 
Lancé par Gertrude Stein et Aaron Copland, il entame une carrière de jeune homme à la mode, écrit des musiques pour Broadway et Hollywood, s'essaie à l'écriture avec quelques nouvelles.
 
Il épouse Jane Auer en 1938. Curieux couple que celui-ci, qui en évoque irrésistiblement un autre, Zelda et F.S. Fitzgerald. Ils vivront plus souvent séparés qu'ensemble, chacun menant sa vie à sa guise sur tous les plans, et pourtant profondément liés. Jane écrit aussi, des nouvelles et un roman qui souffriront toujours de l'ombre portée par son époux. Elle mourra en 1973, après plusieurs attaques cérébrales.
 
Après quelques années d'errance (Amérique du Sud, Inde, Europe, Etats-Unis), l'écriture chez Paul Bowles prend rapidement le pas sur la musique. Installé à Tanger en la compagnie épisodique de Jane, il écrit The sheltering sky (Un thé au Sahara) qui est publié en 1949 et connaît immédiatement le succès.
 
Il voyage encore, écrit quelques dialogues de films (Senso), continue de composer sporadiquement, reçoit à Tanger des écrivains comme Ginsberg, Burroughs, Tennessee Williams, Truman Capote, transcrit des oeuvres de la tradition orale marocaine et traduit des auteurs marocains, puis cesse progressivement de se déplacer pour faire comme retraite au Maroc où il continue d'écrire jusqu'à sa mort en 1999.
 
Que ce soit dans ses romans, ses nouvelles, ou ses récits de voyage, l'écriture de Paul Bowles ne découle pas de la tradition anglo-américaine, mais d'écrivains "exotiques" (en tout cas pour le critique littéraire américain moyen) tels que Valéry, Roussel, Gide ou Gertrude Stein, et plus tard du folklore oral mexicain et marocain. Paul Bowles écoute autant qu'il lit.
 
Mais il ne s'agit pas d'un exotisme aimable et factice. L'écriture de Paul Bowles est d'une exceptionnelle dureté, et d'une inquiétante étrangeté.
 
Dans une interview accordée à Libération en 1987, il disait: "Il est vrai que je comprends la peur. J'y vois le fond de la conscience du monde. Pour d'autres, c'est la joie: je ne connais pas la joie. Je la connais, mais pas quand il s'agit d'exprimer quelque chose. La peur vient sans doute de mon enfance. J'avais peur du noir, de l'obscurité: pas qu'il y ait des monstres cachés, mais juste du noir lui-même. Pourtant, à l'inverse de certains enfants, je ne voulais pas la lumière. Je ne pensais pas que quelque chose allait apparaître de sous mon lit, j'avais plutôt peur que quelque chose sorte de moi, des monstres, ou que je sois moi-même un monstre, ou que ma mère soit un monstre qui allait entrer dans ma chambre au milieu de la nuit."
 
Dans une autre interview, en 1996, il ajoutait: "Si l'on considère la vie des gens, on peut toujours être sûr que quelque chose d'abominable va se passer, même si ça n'arrive pas. Une fois qu'on s'est protégé de la mort, on peut penser à l'amour, mais pas avant. Maintenant, je suis trop âgé pour avoir peur. C'est-à-dire que plus on est jeune, plus on a peur, on a peur de mourir et de perdre ce qui aurait été une longue vie. Je n'ai pas tant eu peur de mourir que de souffrir, et ça, je ne m'en suis pas débarrassé."
 
 
 
 
 
 
 

 
1910 - 30 décembre. Naissance à Long Island de Paul Frederick Bowles, fils de Claude et Rena Bowles.
 
1918 - Paul Bowles commence à prendre des leçons de musique.
 
1920 - Il commence Le Carré, An Opera in Nine Chapters (ensemble de mélodies et de textes composés par ses soins, d'où ce titre ambitieux).
 
1926 - Waterfall, le premier texte qu'il ait publié, paraît dans The Oracle, le magazine de son école.
 
1928 - Il entre à l'université de Virginie, à Charlottesville.
 
1929 - Il s'embarque sur le Rijndam et débarque à Paris avec 24 dollars en poche où il exerce quelques petits boulots. De retour à New York, il rencontre le musicien Henry Cowell qui le présente à Aaron Copland, avec lequel il prend des leçons de composition.
 
1931 - De retour à Paris, il rencontre Gertrude Stein, voyage au Maroc, puis à Londres où il crée sa Sonate pour hautbois et clarinette au Aeolian Hall.
 
1932 - 1937 - Il continue de voyager: France, Maroc, Espagne, Amérique du Sud... tout en composant.
 
1938 - Il épouse Jane Auer le 21 février. Le couple s'embarque direction l'Amérique du Sud, puis la France et les Etats Unis.
 
1947 - Alors que Jane publie des nouvelles, Paul Bowles, un peu las d'écrire de la "musique utilitaire", publie un recueil de nouvelles et signe avec Doubleday pour un roman. Il voyage seul: Maroc - où il commence The sheltering sky - l'Espagne, le Sahara algérien.
 
1948 - Jane le rejoint à Tanger où ils s'installent quasi définitivement.
 
1949 - The Sheltering Sky, refusé par Doubleday, est publié par Lehmann, à Londres, puis aux Etats Unis quelques mois plus tard.
 
1955 - Parution de The Spider's House.
 
1957 - Jane subit un grave accident vasculaire cérébral qui lui laissera des séquelles importantes.
 
1959 - Publication du second recueil de nouvelles de Paul Bowles, The Hours after noon. Au cours d'un voyage dans l'Atlas, il recueille des musiques traditionnelles marocaines qui seront archivées à la Bibliothèque du Congrès de Washington (deux disques en seront tirés en 1972).
 
1962 - L'état de santé de Jane Bowles est de plus en plus inquiétant: maigreur, insomnie, dépression.
 
1972 - Publication de Without stopping. Sortie des disques Music of Morroco.
 
1973 - Après une nouvelle attaque cérébrale, Jane Bowles meurt le 4 mai.
 
1974 - Paul Bowles recommence à écrire des nouvelles, d'une inspiration presque uniquement marocaine.
 
1999 - novembre. Il meurt à Tanger, où il a exclusivement vécu les dernières années de sa vie.
 
 
 
 
 
 
 

 
Romans
 
1949 - Un thé au Sahara (The sheltering sky)
1952 - Après toi le déluge ((Let it come down)
1955 - La maison de l'araignée (The spider's house)
1966 - La jungle rouge (Up above the world)
 
Recueils de nouvelles (dans l'ordre de parution en français)
 
1987 - Le scorpion
1987 - Réveillon à Tanger
1988 - Paroles malvenues
1988 - L'écho
1989 - Un thé sur la montagne
1989 - In absentia
 
Théâtre
 
1966 - The garden
 
Textes autobiographiques
 
1956 - Yallah
1963 - Leurs mains sont bleues
1972 - Mémoires d'un nomade
1982 - Des aires du temps
1990 - Journal tangérois
 
Poèmes
 
1981 - Next to nothing, selected poems
 
En collaboration avec Mohamed Mrabet
 
1967 - L'amour pour quelques cheveux
1969 - Le citron
1969 - M'haschisch
1977 - Le grand miroir
1979 - Cinq regards
1980 - Le café de la plage
 
 
 
 
 

- Le scorpion
- Un thé au Sahara
- La jungle rouge
 
 
Le scorpion
(extraits de la préface de Gore Vidal)
 
Au printemps de 1945, Charles-Henri Ford demanda à Bowles de diriger la rédaction d'un numéro du magazine View. Le thème en était la culture d'Amérique Centrale et d'Amérique du Sud. Bowles traduisit plusieurs auteurs espagnols et rédigea lui-même plusieurs articles. "En lisant quelques livres d'ethnographie comprenant la traduction mot à mot des textes des Arapesh ou des Tarahumaras... je fus pris du désir de créer mes propres mythes en adoptant le point de vue de l'esprit primitif". La première de ces histoires fut écrite "par un jour pluvieux": elle s'intitule le Scorpion.[...]
 
Les nouvelles se répartissent selon trois catégories sommaires. D'abord, la géographie. Le Mexique et l'Afrique du Nord en sont les décors principaux. Le paysage est extrêmement important. Ensuite, la façon dont les pays culturellement éloignés considèrent les créatures de notre monde civilisé. Bowles va même plus loin dans une histoire magnifique intitulée la Vallée circulaire où la vie humaine est dépeinte telle qu'elle doit apparaître à l'anima d'un lieu. L'esprit habite à discrétion ces êtres humains qui visitent la vallée, se nourrit de leurs émotions, les transforme en les envahissant. Et enfin: les histoires de transfert. L'intensité de ces récits fait d'eux bien plus des songeries qu'une accumulation de mots sur la page. L'identité est l'objet d'une transfert et nous amène à nous demander "Qui, en fin de compte, est qui? et quoi est quoi?".
 
Beaucoup d'histoires plus ou moins réalistes traitent de l'incompréhension totale des Américains en contact avec les indigènes du Mexique, d'Afrique du Nord ou de Thaïlande...
 
Dans plusieurs nouvelles, des femmes blanches répondent - sans véritable ambiguïté - aux propositions de jeunes hommes à la peau brune. Bowles montre le sadisme que peut causer la frustration sexuelle (Paso Rojo). Mais là où un écrivain quelconque s'en serait tenu à cet aspect, Bowles approfondit la situation humaine et arrive paradoxalement à produire ses effets les plus magistraux quand il concentre entièrement son attention sur la surface des choses. Bien qu'il décrive rarement un visage, il détaille les paysages avec une précision de géologue. Il décrit le temps avec autant de gravité qu'un météorologue. Il examine de près les aliments. Quant à ses personnages, il les laisse se dévoiler à travers ce qu'ils disent ou taisent. Enfin, il est maître dans l'art de suggérer l'angoisse et l'effroi. Une histoire, puis une autre, et toujours la fuite en filigrane.
 
Le scorpion est publié par les éditions Rivage.
 
 
 
Un thé au Sahara
 
Pour Kerouac et les auteurs de la Beat Generation, le voyage est la vie - et crée même la vie. Paul Bowles, dans Un thé au Sahara, réfute la proposition.
 
Les trois Américains qui entament un voyage sans but dans le désert nord-africain, espèrent que le simple fait de voyager va résoudre leur profonde léthargie physique et morale, ou du moins retardera l'échéance de la confrontation au vide de leur vie.
 
Ils arborent volontiers une certaine sophistication, portant leur cynisme et leur arrogance en talisman face à un paysage et à une culture qui les troublent par leur étrangeté. Ils se leurrent. Confrontés au désert, ils se désintègreront.
 
La relation de cette désintégration, progressive, inexorable, se déroule sans explication superflue, sans longue description, comme avec désinvolture. La dureté est ce qu'il y a de plus naturel dans le monde de Paul Bowles.
 
Un thé au Sahara a fait l'objet d'une adaptation cinématographique par Bernardo Bertolucci. Il est édité par Gallimard.
 
 
 
La jungle rouge
 
Comme la plupart des personnages de Paul Bowles, le docteur Slade et sa femme ne sont pas préparés à ce qu'ils vont vivre lorsqu'ils accostent dans un port sordide d'Amérique centrale pour y recommencer leur lune de miel.
 
Dans une ville des hauts-plateaux, le couple rencontre Vero et sa compagne Luchita. Dès lors, les événements se précipitent. Le décor est luxueux et l'atmosphère très hospitalière. Mais comme le dit Vero, "Ce n'est pas ce que vous croyez".
 
La jungle rouge est, comme souvent chez Paul Bowles, un roman de l'ambiguïté. C'est aussi, fait plus inhabituel, un roman noir, où les cartes sont brouillées comme à plaisir.
 
La jungle rouge est disponible au Livre de Poche.
 
 
 
 
 

 
- Musicien avant d'être écrivain (Eric Dahan)
- Discographie
- Le scorpion (texte de la nouvelle)
- Vivre au Maroc, Paul Bowles (Ilaycom Maroc)
 
- Jane Bowles, présentation
 
 
 
 
 

 
Le décès de Paul Bowles (Le Monde)
 
Sources discographiques (en anglais)
 
Interview de C. Sawyer Laucanno, biographe de Bowles (en anglais)
 
Texte de quelques nouvelles (en anglais)
 
A visit with Paul Bowles, Annette Solyst (en anglais)
 
Let it come down, the life of Paul Bowles (en anglais)
 
A propos de Tanger (Moroccoweb, en français)
 
Les auteurs de la Beat Generation sur Beat Whisky et Poésie (en français)