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Charles Bukowski (1920-1994) Scénario rebattu: un nouvel écrivain apparaît. Son écriture ne respecte ni les conventions ni les modèles littéraires en cours. Il choque. On lui reproche son style, sa grossièreté, sa vulgarité. Bien sûr, au début, cet auteur ne trouve des débouchés que dans l'auto-publication ou les magazines à tirage confidentiel. Puis la rumeur se répand chez des lecteurs qu'attirent la vie et la nouveauté qui émanent de cette nouvelle voix. Malgré une popularité et une influence grandissantes, les critiques, les professeurs et les éditeurs reconnus refusent de le consacrer. On ne peut pas le prendre au sérieux. Après sa mort, des articles, des essais, des livres, commencent à s'intéresser au phénomène. Les oeuvres de l'auteur apparaissent dans les anthologies et on l'enseigne à l'université. La carrière littéraire de Charles Bukowski suit ce scénario réplique par réplique. Après avoir été consciencieusement ignoré, méprisé, voire voué aux enfers des bibliothèques, il est maintenant considéré comme l'une des figures majeures de la littérature américaine. Né en 1920 à Andernach, en Allemagne, Charles Bukowski part pour Los Angeles dans les bagages de ses parents à l'âge de deux ans. C'est la Grande Dépression, et le père de Bukowski déverse sa frustration sur son fils, maniant une pédagogie à base de fouet. Adolescent solitaire, isolé par une acnée qui le défigure, Bukowski se plonge dans les livres et l'écriture, jusqu'à la rupture avec sa famille. Il survit alors, de petits boulots en appartements minables, de cuites mémorables en tentatives infructueuses pour se faire éditer. C'est à 35 ans, après le conseil d'un médecin de cesser de boire sous peine de mourir, qu'il change de vie: il prend un travail régulier de postier, écrit frénétiquement. Peu à peu, ses poèmes et ses nouvelles paraissent dans la presse underground, puis chez des éditeurs marginaux. A partir des années 70, il se consacre uniquement à l'écriture (ainsi qu'au sexe et à l'alcool, car, comme il le dit: "un homme doit être soigneux sur la façon dont il mélange l'alcool et le sexe.") Le succès vient d'abord en Europe, avec la traduction de ses Notes of a Dirty Old Man ("Mémoires d'un vieux dégueulasse") dans la très confidentielle collection "Speed 17" des Humanoïdes Associés, mais surtout avec ses Contes de la Folie Ordinaire en 1977. Il a l'insigne privilège d'être, en 1978, renvoyé en direct, et ivre-mort, du plateau d'Apostrophes, l'émission littéraire de Bernard Pivot. On peut d'ailleurs se demander si, au nom du dieu Audimat, Bukowski n'a pas été victime d'un traquenard peu élégant. On sait que le scandale fait de l'audience - et les assistants de Bernard Pivot ne se privent pas, avant l'émission, de faire boire un Bukowski dont la réputation de poivrot n'est plus à faire. Il est facile, après, de l'expédier, ivre et insultant, hors de l'arène - non sans avoir fait de cette émission l'une des plus célèbres de la série. Il reste de cette vie hasardeuse, de ces scandales plus ou moins légendaires, des livres: Mémoires d'un vieux dégueulasse, Contes de la Folie Ordinaire, Le Postier, L'Amour est un chien de l'enfer, un style direct, cru, qui ne sauve pas les apparences, une tendresse qui n'est ni volupté ni amour, mais celle que l'on peut trouver la nuit, dans une chambre d'hôtel ou un bar, quand les néons éclairent la détresse. Charles Bukowski est l'homme de ces moments là. Folie Ordinaire, le site de Brakc sur Charles Bukowski. |